samedi 5 avril 2014

Pénélope,...

Toi l'épouse modèle, le grillon du foyer,
Toi, qui n'as point d'accroc' dans ta robe de mariée,
Toi, l'intraitable Pénélope,
En suivant ton petit bonhomme de bonheur,

Ne berces-tu jamais, en tout bien tout honneur,
De jolies pensées interlopes,
De jolies pensées interlopes ?

Derrière tes rideaux, dans ton juste milieu,
En attendant le retour d'un Ulysse de banlieu,
Penchée sur tes travaux de toile,
Les soirs de vague à l'âme et de mélancolie,
N'as-tu jamais en rêve, au ciel d'un autre lit,
Compté de nouvelles étoiles,
Compté de nouvelles étoiles ?

N'as-tu jamais appelé de tes voeux
L'amourette qui pass', qui vous prend aux cheveux,
Qui vous compte des bagatelles,
Qui met la marguerite au jardin potager,
La pomme défendue aux branches du verger,
Et le désordre à vos dentelles,
Et le désordre à vos dentelle ?

N'as-tu jamais souhaité de revoir en chemin
Cet ange, ce démon, qui, son arc à la main,
Décoche des flèches malignes,
Qui rend leur chair de femme aux plus froides statues,

Les bascule de leur socle, bouscule leur vertu,
Arrache leur feuille de vigne,
Arrache leur feuille de vigne ?

N'aie crainte que le ciel ne t'en tienne rigueur,
Il n'y a vraiment pas là de quoi fouetter un coeur
Qui bat la campagne et galope !
C'est la faute commune et le péché véniel,
C'est la face caché de la lune de miel
Et la rançon de Pénélope,
Et la rançon de Pénélope.

Pénélope, Georges BRASSENS, 1960

vendredi 4 avril 2014