vendredi 18 novembre 2011

chicken's sketches #2






LE COQ ET LE RENARD

Sur la branche d'un arbre était en sentinelle
Un vieux Coq adroit et matois.
« Frère, dit un Renard, adoucissant sa voix,
Nous ne sommes plus en querelle :
Paix générale cette fois.
Je viens t'annoncer ; descends que je t'embrasse.
Ne me retarde point, de grâce :
Je dois faire aujourd'hui vingt postes sans manquer.
Les tiens et toi pouvez vaquer
Sans nulle crainte à vos affaires ;
Nous vous y servirons en frères.
Faites-en les feux dès ce soir.
Et cependant viens recevoir
Le baiser d'amour fraternelle.
- Ami, reprit le Coq, je ne pouvais jamais
Apprendre une plus douce et meilleure nouvelle
Que celle
De cette paix ;
Et ce m'est une double joie
De la tenir de toi. Je vois deux Lévriers,
Qui je m'assure, sont courriers
Que pour ce sujet on envoie.
Ils vont vite, et seront dans un moment à nous.
Je descends : nous pourrons nous entre-baiser tous.
- Adieu, dit le Renard, ma traite est longue à faire :
Nous nous réjouirons du succès de l'affaire
Une autre fois. » Le galand aussitôt
Tire ses grègues, gagne en haut,
Mal content de son stratagème.
Et notre vieux Coq en soi-même
Se mit à rire de sa peur ;
Car c'est double plaisir de tromper le trompeur.

Jean de La Fontaine, Fables, XV, Livre Deuxième.

lundi 7 novembre 2011

un dragon à Hautepierre





Avec Aurore Lanteri, nous avons réalisé dans le cadre de la grande tournée d'été 2011, et avec les enfants de la cité de Hautepierre un dragon, qui a hanté le bois de Hautepierre le temps d'une représentation.

mistère l'angliche




"L'Anglais est appelé ainsi à cause de ses traits anguleux. C'est pourquoi les Anglais sont des angulés. tandis que le porc, lui, est un ongulé comme le Français. Alors que le porc et le français sont omnivores, l'Anglais mange du gigot à la menthe, du bœuf à la menthe, du thé à la menthe, voire de la menthe à la menthe. Non content de faire bouillir des viandes rouges, l'Anglais fait cuire des vierges blanches, telle Jeanne d'Arc qui mourut dans la Seine-Maritime et dans les flammes en lançant vers Dieu ce cri d'amour : "Froid, moi? Jamais, grâce à Thermolactyl Damart. Thermolactyl Damart, l'autre façon d'être sainte." Les deux caractéristique essentielles de l'Anglais sont l'humour et le gazon. Sans humour et sans gazon l'Anglais s'étiole et se fane, et devient creux comme un concerto de Schönberg, je pense notamment à ses quatuors à cordes dont l'atonalité fondée sur la méthode sérielle nous brise les couilles. L'anglais tond son gazon très court, ce qui permet à son humour de voler au dessus des pâquerettes. Comment reconnaître l'humour anglais de l'humour français? L'humour anglais souligne avec amertume et désespoir l'absurdité du monde. L'humour français se rit de ma belle-mère. En dehors des heures d'humour, on peut reconnaître l'Anglais à son flegme. Qu'est ce que le flegme? Dans son époustouflant Britannicus (1669) Jean Racine nous montre comment son héros continue imperturbablement de lire l'Osservatore Romano, tandis que Néron lui donne des coups de pied dans le phlegmon. D'où l'expression.

Exemple de flegme britannique :
1) Quand une bombe de cent mille mégatonnes tombe dans sa tasse de thé, l'Anglais reste plongé dans son journal et dit : "Hum, ça se couvre."
2) Quand il se met à bander, l'Anglais reste dans sa femme et dit : "Hum, ça se lève."

Les Irlandais sont-ils anglais?
Bien sûr, à ce détail près que les Irlandais sont les seuls Anglais qui sont gais comme un Italien quand il sait qu'il aura de l'amour et du vin. Et pourtant, un Anglais, ça ne mange pas de pain.

Les Anglais ont-ils un chef?
Bien sûr, imbécile. Sinon ce seraient des animaux. Le chef des Anglais s'appelle Madame de Fer. De même que Madame Polystyrène est expansée, madame de Fer est inflexible. Elle ne bouge pas, ne plie pas, ne cille pas. Même quand son mari Gaston la baise, Madame de Fer ne bouge pas. Nous sommes là en présence d'un cas d'inflexibilité tout à fait étonnant, qui n'est pas sans rappeler celui de Mirabeau n'en sortant que par la volonté du peuple ou la force des baïonnettes.

L'Anglais est-il une créature de Dieu?
Certes. Nous sommes tous des créatures de Dieu. L'agnelet qui va au ruisseau est une créature de Dieu. Même la hyène et le chacal chafouin sont des créatures de Dieu."

Mister Peter Desproges, Les étrangers sont nuls.

une pensée pour Montauban




« C'est en se rendant familières les inventions des autres que l'on apprend dans l'art à inventer soi-même. »

« J'ai passé ma vie de peintre à chercher des stratégies pour rendre possible [la virtuosité] puisqu'elle me procure du plaisir, et en même temps, la rendre impossible pour que ce plaisir soit plus raffiné qu'un simple laisser-aller à la virtuosité. »

Jean Auguste Dominique Ingres

C'est pas demain la veille...



Chapitre VI

Si l'intolérance est de droit naturel et de droit humain

Le droit naturel est celui que la nature indique à tous les hommes. Vous avez élevé votre enfant, il vous doit le respect comme à son père, de la reconnaissance comme à son bienfaiteur. Vous avez droit aux productions de la terre que vous avez cultivé par vos mains. Vous avez donné et reçu une promesse, elle doit être tenue.

Le droit humain ne peut être fondé en aucun cas sur ce droit de nature ; et le grand principe, le principe universel de l'un et de l'autre, est, dans toute la terre : « Ne fais pas ce que tu ne voudrais pas qu'on te fît. » Or on ne voit pas comment, suivant ce principe, un homme pourrait dire à un autre : « Crois ce que je crois, et ce que tu ne peux croire, ou tu périras. » C'est ce qu'on dit en Portugal, en Espagne, à Goa. On se contente à présent, dans quelques autres pays, de dire : « Crois ou je t'abhorre ; crois, ou je te ferai tout le mal que je pourrai ; monstre, tu n'as pas ma religion, tu n'as donc point de religion : il faut que tu sois en horreur à tes voisins, à ta ville, à ta province. »

S'il était de droit humain de se conduire ainsi, il faudrait donc que le Japonais détestât le Chinois, qui aurait en exécration le Siamois ; celui-ci poursuivrait les Gangarides, qui tomberaient sur les habitants de l'Indus ; un Mongol arracherait le cœur au premier Malabar qu'il trouverait ; le Malabar pourrait égorger le Persan, qui pourrait massacrer le Turc : et tous ensemble se jetteraient sur les chrétiens, qui se sont longtemps dévorés les uns les autres.

Le droit de l'intolérance est donc absurde et barbare : c'est le droit des tigres, et il est bien horrible, car les tigres ne déchirent que pour manger, et nous nous sommes exterminés pour des paragraphes.


Chapitre XXV

Suite et conclusion

...

« Cet écrit sur la tolérance est une requête que l'humanité présente très humblement au pouvoir et à la prudence. Je sème un grain qui pourra un jour produire une moisson. Attendons tout du temps, de la bonté du roi, de la sagesse de ses ministres, et de l'esprit de raison qui commence à répandre partout sa lumière... »


Voltaire, Traité sur la Tolérance, 1763